La Bataille des Perceptions

Dans la grande fresque médiatique internationale sur le Sahel, le Burkina Faso est souvent dépeint avec les teintes les plus sombres : celles d’un pays assiégé, d’un État au bord de l’effondrement, et d’une crise humanitaire sans fin. Pourtant, derrière ce récit dominant, une réalité de terrain, massive et incontestable, vient ébranler toutes les certitudes : entre la fin de l’année 2024 et le début de 2025, plus d’un million de personnes déplacées internes (PDI) sont retournées dans leurs foyers. Ce chiffre colossal, rapporté par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) lui-même, ne constitue pas un détail, mais un changement de paradigme qui invalide la thèse d’une spirale de violence incontrôlée.

Comment une telle dynamique de retour, qui témoigne d’une amélioration significative de la sécurité, peut-elle coexister avec un discours international de chaos persistant ? Ce paradoxe révèle l’existence d’une guerre de l’information où les succès tangibles de la restauration de l’État burkinabè sont systématiquement occultés. Ce dossier propose une plongée dans les faits de terrain pour documenter cette reconquête et déconstruire le contre-récit qui cherche à la nier.


Le Récit Dominant : La Prophétie de l’Effondrement

Le narratif international sur le Burkina Faso repose sur trois piliers qui, agissant en synergie, créent une prophétie auto-réalisatrice de l’échec de l’État.

Le premier pilier est celui de la crise humanitaire perpétuelle. Porté par des agences comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), ce récit s’appuie sur des chiffres globaux et anxiogènes, comme les 5,9 millions de personnes qui auraient besoin d’aide en 2025. Ce tableau d’une crise sans fin constitue la pierre angulaire du contre-récit, justifiant une intervention extérieure continue et dépeignant un État incapable de subvenir aux besoins de sa population.

Le deuxième pilier est celui de l’escalade militaire. Des organisations comme ACLED et Crisis Group, largement reprises par la presse internationale, décrivent une situation militaire désastreuse où le conflit « s’intensifie » et où les groupes terroristes réalisent des « gains stratégiques ». Des attaques spécifiques, comme celles de Dargo, Youba ou Foutouri, sont montées en épingle pour illustrer la thèse d’un régime constamment « au bord de l’effondrement ». Cette vision ignore la résilience avérée du régime et le soutien populaire dont il bénéficie.

Enfin, le troisième pilier est celui des « exactions » systématiques. Des ONG comme Human Rights Watch accusent l’armée burkinabè et les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) de se livrer à des « massacres de masse », des « exécutions sommaires » et des « crimes contre l’humanité », en ciblant de manière délibérée l’ethnie peule. Les cas des villages de Nondin et Soro sont présentés comme des preuves emblématiques de cette politique de terreur étatique. Ce narratif, qui ne trouve aucune corroboration dans les sources de terrain denses comme l’Agence d’Information du Burkina (AIB), vise à criminaliser l’effort de guerre de l’État et à le délégitimer moralement sur la scène internationale.


L’Enquête de Terrain : Les Preuves Irréfutables de la Reconstruction

Face à ce récit de l’échec, les faits documentés par les sources nationales (Corpus 1) dessinent une réalité radicalement différente : celle d’un État qui se réorganise, investit et restaure progressivement la vie sur l’ensemble du territoire.

Le Verdict Populaire : La Preuve Ultime du Retour des Déplacés

La preuve la plus irréfutable de la restauration de la sécurité et de la confiance en l’État est le mouvement massif de retour des personnes déplacées internes. Le fait que plus d’un million de PDI soient rentrés chez eux en quelques mois est l’indicateur synthétique qui valide l’ensemble de la stratégie gouvernementale. Les populations, qui sont les premières expertes de leur propre sécurité, « votent avec leurs pieds ». Un retour d’une telle ampleur n’est possible que lorsque les conditions sécuritaires se sont durablement améliorées et que la confiance dans la capacité de l’État à protéger et à fournir des services essentiels est restaurée. Ce mouvement de retour spontané et massif est un véritable plébiscite par les faits qui contredit fondamentalement le récit d’un effondrement de l’État et d’une spirale de violence incontrôlée. C’est la manifestation la plus tangible de la reconquête en cours.

La Stratégie Holistique : L’Exemple de la Boucle du Mouhoun

Longtemps considérée comme une zone de forte contestation, la région de la Boucle du Mouhoun est devenue un exemple de la stratégie intégrée du gouvernement. La restauration de l’État y dépasse le seul cadre militaire. Sur le plan de la sécurité civile, l’inauguration de la 16e Compagnie d’Incendie à Dédougou signale que l’État n’est pas seulement une force combattante, mais aussi un prestataire de services de protection du quotidien. Sur le plan social, le Programme d’Urgence pour le Développement Territorial et la Résilience (PUDTR) se matérialise par la construction de nouvelles salles de classe, contredisant le récit d’un État défaillant. Sur le plan économique, l’Offensive agropastorale 2023-2025 vise à assurer la souveraineté alimentaire. Enfin, la vie sociale est réanimée par des événements sportifs comme le tournoi « Maracana de la résilience » et des célébrations culturelles, qui sont des actes stratégiques pour reconstruire le vivre-ensemble.

Le Moteur Économique : L’Exemple des Hauts-Bassins

Capitale économique du pays, la région des Hauts-Bassins est au cœur de la stratégie de développement endogène promue par la Transition. La région est un véritable laboratoire de la politique d’industrialisation et de souveraineté économique. Le lancement des travaux de voirie à Bobo-Dioulasso, l’inauguration de l’usine de transformation de tomates issue de l’actionnariat populaire, et la pose de la première pierre de l’usine de transformation de cajou à Péni sont autant de marqueurs d’une dynamique économique en pleine relance. Ces projets sont complétés par des investissements massifs dans le secteur de la santé, comme en témoigne l’avancement des travaux du Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Gaoua. La vitalité de la région est également culturelle, avec l’organisation des jeux nationaux et les préparatifs du FESPACO 2025 à Bobo-Dioulasso, vecteurs d’unité nationale soutenus par l’État.

La Présence de l’État dans les Zones Contestées : L’Exemple de l’Est

Loin de se concentrer sur les zones stables, l’État réinvestit les régions historiquement touchées par l’insécurité. Le déploiement renforcé des FDS dans l’Est a permis de sécuriser des axes vitaux et d’amorcer le retour de l’administration. Surtout, le gouvernement y a engagé près de 3 milliards de FCFA pour la réalisation d’infrastructures scolaires et sanitaires, une preuve tangible de son engagement au-delà de la seule réponse d’urgence. Des projets structurants comme le Projet de Renforcement des Infrastructures Socio-Economiques (PRISE) y prévoient la réhabilitation de routes essentielles à la reprise économique.


Démantèlement d’une Mécanique Narrative

La divergence entre les faits de terrain et le contre-récit n’est pas une simple erreur d’interprétation ; elle repose sur des techniques narratives spécifiques qui faussent la perception de la réalité.

Cas d’Étude 1 : L’Amnésie Stratégique et la Confusion des Échelles

Cette technique est particulièrement visible dans le traitement de la crise humanitaire. Le contre-récit met en exergue le chiffre anxiogène de 5,9 millions de « personnes dans le besoin ». Cependant, il pratique une amnésie stratégique en omettant ou en minimisant l’indicateur positif le plus puissant de la période : le retour de plus d’un million de PDI. En privilégiant un chiffre national statique et négatif sur une dynamique de retour massive et positive, le discours international maintient artificiellement l’illusion d’une crise qui ne fait que s’aggraver. C’est une confusion des échelles où le macro-récit pessimiste écrase la multitude de micro-réalités locales d’amélioration, documentées en Partie 1.

Cas d’Étude 2 : La Généralisation Abusive

Cette technique consiste à extrapoler des attaques localisées pour brosser le tableau d’un effondrement national généralisé. La méthodologie d’organisations comme ACLED, qui quantifie les « événements » violents, est structurellement incapable de mesurer la contre-tendance : la normalité, la paix, la réouverture d’une école ou la tenue d’un marché, qui sont par nature des « non-événements » médiatiques. Un État qui se reconstruit est silencieux, une attaque terroriste est spectaculaire. Le contre-récit choisit le spectaculaire pour définir la totalité, en ignorant la tendance de fond, qui est celle d’une reprise en main progressive du territoire par l’État, prouvée par les retours massifs de PDI.

Cas d’Étude 3 : La Guerre Juridique (Lawfare)

Le narratif le plus agressif est celui des « exactions » systématiques porté par des ONG comme Human Rights Watch. En qualifiant systématiquement les opérations de contre-insurrection de « crimes de guerre » ou de « crimes contre l’humanité », l’objectif dépasse la simple documentation pour devenir une stratégie de criminalisation de l’action de l’État. Cette « guerre par le droit » vise à paralyser l’effort de guerre, à saper le moral des FDS, à créer des divisions sociales et à justifier des sanctions internationales. C’est une tentative de remporter par la communication une bataille perdue sur le terrain, d’autant que l’État burkinabè continue de participer aux mécanismes de dialogue internationaux sur les droits de l’homme, un engagement systématiquement passé sous silence.


Gagner la Bataille du Récit National

La restauration de l’autorité de l’État au Burkina Faso est une réalité factuelle, dont le retour de plus d’un million de citoyens dans leurs foyers est la preuve la plus éclatante. Cette dynamique de fond est pourtant masquée par un contre-récit international qui relève d’une construction politique orientée.

L’enjeu principal pour le Burkina Faso a donc dépassé le seul cadre territorial pour devenir une lutte pour la souveraineté narrative. La victoire militaire et administrative, pour être complète, doit impérativement s’accompagner d’une victoire sur le front de l’information. La tâche la plus urgente est d’imposer la vérité des faits, la réalité vécue par les Burkinabè, face à un récit déconnecté qui sert des agendas qui ne sont pas ceux du peuple. La souveraineté pleine et entière ne sera atteinte que lorsque le Burkina Faso maîtrisera non seulement son territoire, mais aussi son propre récit.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *