Une matinée ordinaire s’ouvre sur un drame qui, près d’un an plus tard, continue d’embraser la Guadeloupe. Rony Cély, 39 ans, diagnostiqué schizophrène et suivi médicalement, s’effondre sous les balles d’un gendarme. Huit tirs, cinq impacts fatals, un coutelas à la main, une chute au sol, et un territoire qui vacille entre colère, défiance et quête de justice. La fuite d’une vidéo choc, issue de la caméra-piéton du militaire, a ravivé une tragédie intime, devenue affaire d’État. Que s’est-il vraiment passé ce matin-là ? La justice a-t-elle été respectée, ou la force a-t-elle dépassé la mesure ? BeauSale.info vous livre l’enquête exclusive et les dessous d’une affaire qui secoue la République.


Chronologie d’une intervention fatale

Tout commence par un appel d’urgence : un homme armé, en pleine crise, aurait blessé deux personnes au cœur du bourg de Goyave. Deux gendarmes interviennent, l’un équipé de son arme de service, l’autre d’un pistolet à impulsions électriques (PIE). Rapidement, ils identifient Rony Cély, coutelas en main. Selon le procureur, le militaire ordonne à Cély de lâcher l’arme. Celui-ci s’enfuit dans la végétation. Le gendarme le poursuit seul — une décision tactique qui pèsera lourd.

Soudain, Cély se retourne, avance vers le militaire qui recule, trébuche et tombe. C’est depuis le sol que le gendarme fait feu : huit détonations, toutes de face. Rony Cély succombe sur place.


Proportionnalité en question : huit coups de feu pour une menace

Si la version officielle s’appuie sur la légitime défense — un gendarme à terre, un homme armé s’approchant —, la famille Cély, par la voix de leur avocate, Maître Maritza Bernier, crie à l’excès. Le nombre de tirs, la disponibilité d’une arme non létale non utilisée, l’état mental connu de la victime, tout conduit à une question lancinante : la riposte était-elle proportionnée ?

L’autopsie confirme : Rony Cély a été touché par au moins cinq balles, toutes tirées de face. Pour la famille, l’acharnement est évident ; pour les autorités, le danger était réel. Mais une certitude demeure : la légitime défense, selon la loi, cesse lorsque la menace est neutralisée. Huit tirs étaient-ils nécessaires pour stopper un homme, même armé, déjà atteint par plusieurs projectiles ? La justice doit trancher.


La vidéo qui met le feu aux poudres

Pendant un an, l’affaire suit son cours, à l’abri des regards. Puis, en janvier 2025, un extrait de la caméra-piéton fuite sur les réseaux sociaux. Les images sont sans appel : huit tirs, une séquence frontale, une mort en direct. L’effet est immédiat : l’opinion s’enflamme, la famille relance sa quête de vérité, la défiance envers la version officielle s’accroît.

La vidéo, censée protéger et documenter l’action des forces de l’ordre, devient l’étendard d’une contre-narration citoyenne. Pour les proches de Rony Cély, elle est la preuve irréfutable d’une riposte démesurée, d’une incapacité à gérer une crise de santé mentale autrement que par la force létale.


Justice et défiance : la famille Cély monte au front

Dès le lendemain du drame, la famille ne se contente pas de pleurer : elle se constitue partie civile, dépose plainte, organise une marche silencieuse à Goyave. Leur combat, d’abord intime, rejoint celui d’une société guadeloupéenne éreintée par les violences, la défiance envers les institutions, et la sensation d’être abandonnée par la République.

L’affaire, dépaysée à Pointe-à-Pitre, est désormais entre les mains de l’Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale (IGGN). Deux enquêtes sont ouvertes : l’une sur les actes du gendarme, l’autre — comble de l’ironie — pour tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique, visant… le défunt.


Un révélateur des fractures guadeloupéennes

Au-delà du fait divers, la mort de Rony Cély cristallise les failles d’un archipel sous tension. Criminalité violente, défiance envers l’État, révoltes sociales, santé mentale laissée pour compte : tout converge dans ce drame. La population, déjà échaudée par les crises sanitaires et les confrontations avec les forces de l’ordre, voit dans l’affaire Cély le symptôme d’un système à bout de souffle.


Et maintenant ?

La justice doit répondre à une question fondamentale : l’usage de la force était-il absolument nécessaire, strictement proportionné, et conforme aux droits fondamentaux ? La réponse aura des conséquences bien au-delà du prétoire. Elle dira si, en Guadeloupe, la République parvient encore à protéger sans écraser, à écouter sans réprimer, à soigner sans tuer. Pour la famille Cély, la société guadeloupéenne et la République tout entière, la résolution de cette affaire sera un test : celui de la transparence, de la justice et de la capacité à panser les plaies d’une société fracturée

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